Expériences aux statuts variés

Lorsque des expériences sont proposées dans des séquences d’apprentissage, elles n’ont pas toutes la même fonction, la même place. Selon le statut de l’expérience, les apprentissages développés chez les élèves sont différents. Il est donc important pour l’élève de vivre les différents types d’expériences, car elles le placent dans différentes conditions pour apprendre.

Expériences pour ressentir : consistent à permettre la perception par le corps des phénomènes abordés à l’aide d’un ou plusieurs des 5 sens (ouïe, vue, odorat, toucher, gouter). Cette approche sensorielle est particulièrement intéressante pour démarrer une séquence. Il est important de ne pas en rester là afin de dépasser le côté subjectif de ce type d’expérience.

Exemple : Les élèves ont les yeux bandés. L’enseignant leur demande d’enfiler une chaussette sur chaque main : l’une est blanche et l’autre est noire. Ils placent leur main devant un spot allumé (à même distance). Lorsqu’ils détectent une différence de température, ils lèvent la main qui leur semble la plus chaude. Beaucoup d’élèves vont lever la main qui porte la chaussette noire…mais pas tous. Il s’agira donc de vérifier de manière objective ce ressenti dans la suite de la séquence.

Expériences action : consistent à manipuler des objets afin de se familiariser avec un concept par un tâtonnement expérimental de type essai-erreur. Relever de la même manière un défi concernant un phénomène présenté en classe. C’est l’action qui prime et c’est l’élève lui-même qui en est l’auteur. Ces expériences permettent à l’enseignant de déceler les modes de raisonnement spontanés qui ont guidé l’action de l’élève. L’enseignant, durant cette manière d’expérimenter, est à l’écoute et cherche à favoriser l’expression des élèves. En observant la classe, il prélève des informations qui lui permettront d’intervenir durant les échanges entre les groupes. Il repère des problèmes scientifiques intéressants et détermine une variété d’objectifs possibles. Il est donc important de ne pas en rester à l’expérience action.

Il existe deux types d’expérience action :

– La manipulation libre : l’enseignant propose aux élèves une manipulation libre d’un matériel (par exemple : manipulation libre dans le bac à eau, ou le bac à graines avec récipients, entonnoirs, tamis, tuyaux …)

– Le défi expérimental : l’enseignant propose un défi. La résolution se fait par une expérimentation où l’action prime. Les situations de type défi proposées sont attrayantes par leur caractère ludique et l’obstacle est choisi de manière à être franchissable.
Exemples : trouver les moyens de faire fondre un glaçon, trouver un moyen de chauffer l’air dans d’une bouteille (un thermomètre ayant été placé dans la bouteille) avec du matériel à disposition. Certains élèves vont placer la bouteille sur un radiateur allumé. D’autres élèves vont placer la bouteille près d’une fenêtre de manière à l’exposer aux rayons du soleil. Enfin, d’autres élèves vont placer la bouteille entre leurs mains chaudes.

Expériences à suivre : découvrir une information sur le concept ou le phénomène observé en exécutant les consignes et en suivant le protocole fourni par l’enseignant. Cette méthode convient surtout aux élèves qui ont besoin d’un cadre précis pour travailler. Elles permettent d’illustrer une loi.

Point d’attention. C’est ce type d’activité expérimentale qui est le plus rencontré à l’école. L’expérience à suivre n’a de sens que si elle est intégrée dans une démarche de recherche et qu’elle est choisie pour apporter des réponses suite à un questionnement préalable. Sinon, si l’expérience est proposée d’emblée à l’enfant en lui demandant d’en tirer les conclusions, comme c’est le cas dans beaucoup de fichiers d’activités, nous tombons dans une pédagogie de la devinette mettant l’enfant dans la situation de chercher ce qu’on veut lui faire dire. Il n’y a que ceux qui connaissent déjà la loi ou le principe qui est illustré qui peuvent participer. Ceux qui ont peu de référent sur le sujet n’apprennent pas par ce moyen et diront qu’ils ne comprennent rien aux sciences. Si l’enseignant n’utilise que cette méthode directive, il donne alors une image très dogmatique des sciences. Le réel semble se comporter comme le dit la loi ! On voit même des enseignants trafiquer l’expérience pour être sûr « que cela marche » (pour être certains que le réel montre bien ce qu’on veut lui faire dire). Et l’on comprend dès lors le coté absurde de cette méthode.

Cependant, des expériences à suivre bien choisies, intégrées parmi d’autres moyens et en lien avec une question, ou une hypothèse clairement annoncée, permettent toutefois une certaines structuration des apprentissages et l’exercice de techniques scientifiques (mesurer avec différents outils, manipuler, orienter son observation…). Exemple : l’enseignant distribue un protocole à suivre : les élèves doivent prendre 3 bouteilles (dans lesquelles un thermomètre a été placé), placer un morceau de plastique (bleu, noir, blanc) autour de chaque bouteille et placer ces 3 bouteilles à égale distance d’un spot. Ils doivent ensuite relever la température dans chaque bouteille, toutes les 3 minutes. Présentée ainsi aux élèves, cette expérience restera d’ordre manipulatoire pour beaucoup d’élèves.

Expériences à concevoir : consistent à permettre de vérifier une hypothèse scientifique émise lors d’une démarche d’investigation. Une hypothèse scientifique est une hypothèse qui explique une relation de cause à effet (hypothèse explicative). Elle nécessite donc une vision théorique préalable.

D’un point de vue pratique, l’expérience à concevoir exige une anticipation sur ce que l’on va faire : il y a l’écriture d’un protocole qui doit spécifier la variable que l’on va mesurer : taille, poids, temps, distance… Les autres variables devant être fixes. Si les autres variables ne sont pas fixées, elles risquent de rendre confuse la relation de cause à effet que l’on cherche à vérifier. On doit également décider des modalités de mesures et veiller à garder le même outil de mesure pendant l’expérience (la même latte, le même chronomètre, etc.).

Les résultats de l’expérience, s’ils vérifient la validité de l’hypothèse posée, ne peuvent être considérés comme une preuve absolue. L’hypothèse a été vérifiée dans un champ local : celui de la classe avec le matériel mis à disposition des élèves. Si les résultats valident l’hypothèse, la répétabilité de l’expérience augmente sa validité. Exemple : les élèves doivent vérifier l’hypothèse selon laquelle, un plastique noir permettra une meilleure absorption de la chaleur. Pour cela, du matériel est mis à leur disposition. Ils doivent établir un protocole d’expérience et le présenter à l’enseignant. Lorsque ce dernier le valide, les élèves peuvent effectuer leur expérience et récolter les résultats.